Lauranne Schied : promoteur immobilier écologique au féminin

Qui êtes-vous ?

Je m’appelle Lauranne Schied, j’ai étudié le droit et les sciences politiques. Suite à cela, j’ai fait une carrière dans l’immobilier. J’ai travaillé notamment dans l’hôtellerie, avec des projets en France et en Europe, pendant une dizaine d’années. En parallèle, je suis aussi maman d’une grande fille de 13 ans.

Que faites-vous ?

Pendant le premier confinement, je me suis rendu compte de l’impact qu’a notre profession sur le climat. Alors, j’ai décidé de continuer d’exercer mon métier que j’aime beaucoup, mais de façon différente. Le but est de faire de l’immobilier, qui ne soit qu’écologique. Je souhaite essayer de montrer l’exemple, avec des projets vertueux, éco responsables. Mais surtout, utiliser des matériaux locaux, pour faire du résidentiel et de l’hôtellerie. C’est ce que je fais aujourd’hui, en France et en Europe, avec une dizaine de projets tout aussi atypiques les uns que les autres. Au sein de l’entreprise, il existe une filiale qui est dédiée aux maisons flottantes. L’idée majeure est de se reconnecter avec la nature, l’eau et de permettre à nos clients, de vivre dans des habitats sains et des environnements naturels. 

Pouvez-vous présente « LSRE » ?

LSRE c’est une société de promotion immobilière écologique, lancée en septembre dernier et basée à Paris. Nous produisons des projets résidentiels avec des logements, mais nous sommes aussi présents dans le secteur de l’hôtellerie. Nous intervenons en France, en Espagne, au Portugal, et aux Caraïbes. L’objectif est de favoriser le circuit court : travailler avec des matériaux locaux et des entreprises locales. À chaque fois que l’on s’implante quelque part, on regarde quels sont les matériaux qui existent déjà sur place. Alors, soit on recycle des matériaux qui existent déjà, soit on utilise des matières naturelles locales. Par exemple, si l’on fait un projet près de Tours, on va le faire en pierre parce que c’est ce qu’il y a, là où on est. À travers l’utilisation des matériaux locaux, on permet à la ville dans laquelle on s’implante et à son environnement d’avoir une identité architecturale du lieu. Pour les matériaux recyclés, je travaille avec une banque de matériaux qui s’appelle Upcyclea. Pour moi, c’est absolument primordial. L’idée numéro une ? Remettre du bon sens dans l’immobilier, en faisant des projets respectueux de l’environnement.

Qu’est-ce qui vous a donné envie de vous lancer dans ce projet ?

C’est arrivé le 1er mai, le jour de la fête du Travail. J’ai eu un déclic. J’ai décidé d’exercer mon métier pour moi. Je pars du principe dans la vie, que soit on travaille pour les désirs des autres, soit on travaille pour les siens. Tout d’un coup, j’étais prête à travailler pour ma vision à moi. Ce que je voulais, c’était un immobilier qui soit intégré de façon respectueuse et qui revisite la façon dont on habite le monde. On habite le monde d’une façon ou d’une autre, mais on ne se pose jamais la question de savoir si on le fait bien. C’est un secteur d’activité, qui est peu remis en cause. J’avais envie de proposer une autre façon de faire, une démarche plus responsable, plus consciente et qui correspond à ce que je suis, à ce que j’ai envie de faire de ma vie. C’est une vraie mission, pas seulement un travail. Mon travail, c’est la mission que je me suis donnée.

Quelles sont les valeurs que vous défendez ?

À travers ma démarche, je prône le respect, mais pas que. La liberté aussi, car pour moi, cela signifie : rendre la planète à nouveau libre. Ce n’est pas uniquement la liberté à l’échelle humaine. Et puis, il y a l’amour. Je crois qu’on a toujours du mal à utiliser ce mot. Mon nouveau Mantra, c’est : « Love in Action ! ». Lorsque l’on met de l’amour dans ce que l’on fait, on le fait avec impulsion et souvent, on le fait bien. Même mon métier, qui est celui de bâtisseur, je trouve qu’il faut le faire avec beaucoup d’amour.

En quoi vous différenciez-vous des autres ?

Ce qui me différencie, c’est que je ne fais pas du tout de greenwashing. Je n’aime pas les labels, ni les certifications, et je ne vais pas les demander. La seule raison qui peut me pousser à les demander, c’est seulement si elles sont obligatoires pour obtenir un permis de construire, par exemple. Sinon je ne vais pas aller valoriser cela, car je pense qu’il faut être dans l’action : faire les choses, prouver que c’est possible, et donner des exemples à suivre. L’important, c’est que les personnes, comme des élus par exemple, ressentent qu’il y a un vrai engagement, qu’il est incarné, et que tout ça ce n’est pas du « bullshit ».

Une anecdote à partager depuis le début de votre activité ?

Des anecdotes, j’en ai plusieurs, et pas que des sympathiques ! Notamment, sur le fait que je suis une femme. Dans ce milieu, initialement pré-destiné aux hommes, souvent, on me demande pour qui je travaille. Les gens ne comprennent pas ou ils n’ont pas envie de comprendre. Une fois qu’ils ont assimilé que c’est ma société, ils me demandent d’où vient l’argent. Puis quand je leur explique, ils ne comprennent toujours pas. Donc, c’est comme si c’était complètement impossible que, parce que je suis une femme, j’ai eu l’ambition de créer une société de promotion immobilière. Ça, c’est assez dingue. Les questions que l’on me pose à répétition, on ne les poserait pas à un homme. Je pense que l’on leur fait plus vite confiance dans ce secteur-là. À contrario, j’ai souvent l’impression de devoir me justifier. C’est assez désagréable. Ce n’est pas très joyeux, mais c’est une réalité. J’en ai une autre qui me vient à l’esprit. Elle est assez extraordinaire aussi ! Un jour, quelqu’un m’a dit : « C’est bien cette idée de l’immobilier écologique, mais cela fait un peu crise de la quarantaine non ? ». Je me suis dit à ce moment-là, ce n’est pas possible, on ne m’a pas dit cela : c’est la meilleure ! :rires:

Votre avis sur l’avenir de l’immobilier éthique et/ou l’habitat durable ?

On est obligé de faire plier ce milieu-là sous la contrainte. À force d’imposer des mesures, on va réussir à atteindre un immobilier plus responsable. En revanche, cela va devoir passer par une contrainte législative. Pour l’instant, nous sommes dans une période avec énormément de greenwashing. Tout le monde surfe sur la communication autour des labels et des certifications. Chaque jour, je vois un projet qui est valorisé par une société qui a obtenu telle labellisation, mais qui produit un immeuble totalement en béton. Et ça ne les dérange pas. C’est vrai que l’on vit une période propice aux changements. Ils sont difficiles à accepter pour un certain nombre de personnes. Dans notre milieu, je pense qu’il y a quand même une volonté de faire mieux, mais cela va passer par de la contrainte réglementaire. 

Il y a une prise de conscience récente et surprenante sur l’impact des matériaux sur les occupants du bâtiment. Cela va permettre, avec beaucoup d’engagement, de prendre des mesures positives, pour que l’on arrive à penser des projets qui soient vraiment sans impact, voire à impact positif. Le problème que l’on a dans le domaine de la construction, c’est que ce qui est le plus écologique, c’est de ne pas construire. En construisant, on génère de toute façon, de la pollution. La solution ? C’est de savoir comment faire pour régénérer le sol. On ne peut pas s’arrêter de construire. On a besoin d’habiter, d’avoir des logements. La question est : comment être assez malin pour continuer de construire et à la fois régénérer ? C’est l’enjeu des prochaines années pour moi.

Pouvez-vous vous exprimer sur le rapport qualité/prix/durabilité ?

On entend trop souvent dire que construire un bâtiment beau coûte plus cher qu’un bâtiment moche. Alors, on conçoit des bâtiments moches, sinon on ne sait pas faire. Ce que je pense, c’est que tout cela est une question de marge, à laquelle on peut renoncer si on a envie. Il faut que les promoteurs aient un véritable engagement financier, lié à une certaine philanthropie. Cependant, la contrainte financière, elle n’est pas si importante que cela, si l’on arrive à trouver des techniques intelligentes. Mais c’est un métier qui a plein de processus bien ancrés, dont il est difficile de sortir. Lorsque l’on y arrive, on peut trouver des solutions économiquement très intéressantes. Ces dernières permettent de faire des projets écologiques. Par exemple, le préfabriqué en bois : on gagne du temps et de l’argent. Certes, il faut s’adapter à ce type de structures qui peuvent être contraignantes, et la majorité des promoteurs n’ont pas envie de se mettre dans la contrainte. Mais il existe toujours des solutions !

Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un qui souhaite faire de l’immobilier son métier ?

De façon générale, le conseil que je peux donner à quelqu’un qui veut se lancer, c’est d’éviter d’écouter ses peurs et celles des autres : elles sont toujours le reflet de leurs propres craintes et inquiétudes. Il faut se faire confiance et écouter son GPS interne, à savoir son intuition, qui marche très bien. Et surtout, il faut s’engager.

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